La mindfulness, un art de vivre
La mindfulness est un art de vivre. Cette expression « art de vivre » résume pour moi l’essence de la mindfulness, dans les deux mots éclairants et précieux que sont ici : art et vivre.
La mindfulness : un art de vivre essentiel
L’art. Sans entrer dans des considérations philosophiques, j’associe l’art aux notions de travail, et d’attention portée à la création du beau. La mindfulness repose sur un travail : elle nécessite un entraînement, porté par une intention, qui sera nourrie avec persévérance et bienveillance. Et cette intention a beaucoup à voir avec une ouverture créative à tout ce qu’il y a de beau, en nous et à l’extérieur de nous.
Vivre. La mindfulness nous invite à vivre plus pleinement. Il ne s’agit pas de rajouter quoi que ce soit à notre vie (plus d’intensité, plus d’euphorie), ni d’en soustraire des éléments indésirables (la tristesse, les frustrations…). Il s’agit plutôt de vraiment habiter notre vie, telle qu’elle se présente, avec ses moments de grâce, et son lot de douleurs aussi.
Cet art de vivre est d’autant plus essentiel aujourd’hui, que nous souffrons d’une maladie pernicieuse : la dispersion de l’attention, causée notamment par l’archi-connexion (smartphones, tablettes…), l’infobésité (pléthore - et saturation - d’informations), le « multitasking » (travail multi-tâches, très exigent pour le cerveau). Notre attention est un vrai vagabond, nous vivons en mode « pilote automatique », et passons ainsi souvent à côté de la beauté de notre vie. Nous nous laissons porter par les événements, ballotter par nos pensées, emporter par nos émotions… C’est pourquoi notre héritage de sagesse prend une valeur toute particulière aujourd’hui.
Un essor au détriment de son essence ?
La mindfulness – souvent traduite par « pleine conscience » en français – connaît un essor dans l’ensemble des secteurs de la société : elle a pénétré les entreprises, le secteur de la santé, l’éducation, les prisons, et s’immisce même dans le monde politique, en Angleterre notamment, et maintenant doucement en France. Cet engouement est porté par la recherche scientifique, qui montre ses nombreux effets bénéfiques : pour alléger les effets du stress, les douleurs chroniques, améliorer le système immunitaire ou la résilience, contribuer au traitement des addictions ou de la dépression, aider à ralentir le vieillissement du cerveau…
Cet essor appelle toutefois à la vigilance : la mindfulness n’est pas la panacée pour guérir tous les maux, et elle doit être proposée dans certaines conditions seulement. En entreprise notamment, les ateliers ou programmes de méditation de pleine conscience se développent, dans la mouvance de la Qualité de Vie au Travail. C’est le reflet d’un besoin de rééquilibrage, d’apaisement des excès liés aux pressions de toutes sortes (temps, performance, succès…). Dans la perspective d’une pratique assimilée à un art de vivre, on comprend que quelques cours de méditation distillés deci-delà sont bien éloignés de l’essence de la pratique, et des changements – et bienfaits – profonds qu’elle induit.
Sur ce sujet de la vigilance à avoir autour du développement de la mindfulness en entreprise, vous pouvez lire ou relire l’article "Méditation en entreprise : quelles sont les dérives possibles ?".
Des méandres de notre esprit aux mystères de la vie
De quoi s’agit-il ? La mindfulness, traduction anglais du mot pali « sati », signifie littéralement : se remémorer, ou attention juste. Elle a ses origines dans les enseignements du Bouddha, il y a plus de 2 500 ans. Cet héritage millénaire a été traduit et adapté à la fin des années 1970 par Jon Kabat Zinn. Il a alors créé le protocole MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction), et propose cette définition de la mindfulness : porter son attention au moment présent, intentionnellement et sans jugement.
Cette approche met l’accent sur l’aspect de l’entraînement de l'esprit et de ses modalités, et ne révèle guère un élément fondamental : cette conscience du présent est le socle d’un ensemble beaucoup plus vaste. La présence pour la présence resterait un concept intéressant, mais au sens ténu s’il ne s’agissait pas de la porte d’accès à une plus fine connaissance, et une profonde compréhension des méandres de notre esprit. Et cette étape, aussi belle fut-elle, n’est encore que la voie vers l’ouverture aux mystères de la vie.
La mindfulness nous invite à découvrir le présent dans toute son ampleur. C’est finalement d’une grande simplicité, d’une profonde évidence. Découvrir ainsi le présent, c’est regarder avec les yeux curieux d’un enfant, qui s’émerveille de tout sans juger, sans étiqueter, sans critiquer. Nous renouons ainsi avec une forme d’innocence, qui questionne pour mieux vivre. Une liberté de jouer avec tout ce qui est là, sous nos pas.
Sur le thème de la curiosité, et de sa valeur au travail, vous pouvez lire ou relire cet article...
Cette présence englobe soi-même, les autres et le monde : éclairer notre paysage intérieur, entretenir un rapport plus profond avec les autres, embrasser la vie. La présence consciente nous permet de sortir d’une forme de léthargie dans laquelle nous vivons souvent, pour nous éveiller à la vie qui est là, elle, présente au rendez-vous, instant après instant.
Le stress, la mindfulness, et plus encore…
Cette acception large de la mindfulness balaie la perception souvent répandue d’une méthode pour réduire le stress et retrouver son calme. Cette perspective est extrêmement réductrice, et dépouille la mindfulness de la lumière qu’elle apporte sur nos vies pour les éclairer, les illuminer, et nous aider à rayonner. Cette lumière nous guide pour aller à la découverte de ce secret profond qui réside en nous, par-delà notre identité, notre métier, notre statut social… Ce secret enfoui au fond de notre âme, qui nous murmure des questions comme « qui suis-je », « quelle est ma place sur terre » ?
La joie du chemin est simplement dans la présence à ce point d’interrogation en suspens.
Si l’esprit est à l’honneur lorsque l’on évoque les définitions de la mindfulness, il peut être surprenant de découvrir que tout commence par le corps. Il est souvent déroutant de réaliser que cette voie que l’on perçoit parfois comme « spirituelle » met le corps, dans toute sa matérialité, sur le devant de la scène. Le corps est notre véhicule pour avancer dans la vie. Et c’est par lui que nous entrons en relation avec elle.
Nos cinq sens tissent en permanence un lien avec toutes les expériences que nous rencontrons. Et pourtant, nous sommes souvent coupés de cette connexion, nous oublions de ressentir, nous habitons dans des sphères très éloignées des contours de notre corps. Et c’est souvent un des premiers constats que l’on fait en découvrant la mindfulness : l’invitation est de porter son attention sur le souffle – élément vivant du corps – et combien de fois nous nous échappons dans des pensées, rêveries, ruminations… à mille lieues du corps qui respire ? Revenir au corps est à la fois simple, et difficile. C’est très déconcertant.
Laissons-nous déconcerter, dérouter, sortir de notre route… Prendre des chemins de traverse, pour nous laisser renverser par la beauté de la vie.
Anne-Valérie Rocourt
Méditer & Agir
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