Quand on se bat sur tous les fronts
Je déjeunais il y a quelques jours avec une amie, qui me parlait de sa frustration et sa culpabilité de ne pas réussir à "se battre sur tous les fronts". Elle est passionnée par son travail, qui dévore sa vie. Et sa vie, c'est aussi deux ados à la maison qui demandent beaucoup d'attention, deux chats et un chien qui en demandent au moins autant, une vie sociale riche, des sorties pour s'inspirer...
Et elle ne peut plus respirer. Elle culpabilise même de ne pas appliquer le fameux "miracle morning", de ne pas mettre de l'ordre dans son appartement quand on évoque le grand ménage de printemps, de manger du chocolat tous les jours, de voir son corps changer même si elle a plus de deux fois vingt ans, de ne pas faire plus de sport (elle en fait déjà !), de ne pas avancer encore plus vite sur tous ses projets alors qu'elle abat déjà le travail de toute une équipe....
En repensant à notre conversation, je vois bien que moi aussi, et beaucoup de femmes que je rencontre, nous sommes tiraillées entre tant d'injonctions. Tous ces "il faut....", "tu dois...." nous étouffent. Nous nous épuisons entre désir de contrôle et aspiration à la perfection. C'est parfois aussi le piège de la passion, qui nous aspire dans un tourbillon sans fond.
Comment se sentir équilibrées dans tous les rôles de nos vies ? Comment concilier la femme engagée dans son travail, la compagne, la mère, l'amie, la femme attentive à son corps... ? Comment les réconcilier même parfois quand elles se crêpent le chignon ?
Voilà une des (nombreuses) questions que j'aime bercer, sans attendre de réponse définitive. Je crois qu'il n'y a pas de réponse absolue, et même je trouve qu'il y a tant de joie - de contentement - à se contenter de choyer une question.
Néanmoins, mon intention n'est pas simplement de vous laisser avec mes questions, mais aussi de partager quelques fruits de mes réflexions et expérimentations...
Même si je connais encore ces tensions, j'ai trouvé de l'apaisement grâce à ces 3 clés que je partage avec vous - 3 pierres à superposer pour trouver un équilibre... de toute beauté dans sa précarité...
#1 : Laissons nos saisons
La vie est cycles, saisons. Tout dans la vie tourne au gré de cycles : le jour et la nuit, la sécheresse et la pluie, la naissance et la mort, la joie et la tristesse, les saisons... et nous aussi nous avons nos saisons. Nous traversons l'hiver où à la surface rien ne se passe, où nos vies semblent en suspens, où tout est si lent... Puis vient le printemps où la vie frémit, la créativité se déploie, l'enthousiasme renaît, tout semble à nouveau possible, les opportunités arrivent et tout se construit allègrement. Durant notre été, nous récoltons les fruits du travail printanier. Nous connaissons alors la joie de cueillir et savourer ces fruits, le soleil brille sur tout ce que nous avons crée. Puis irrémédiablement vient l'automne, temps où tout flétrit et se rabougrit. Temps d'acceptation que la récolte est terminée et l'air devient plus frais. Le repli se prépare, et on entre doucement dans l'hiver à nouveau.
Nous avons nos hibernations, et nos périodes d'éclosion. Il y a un temps pour semer et un temps pour récolter. Il y a un temps pour tout.
Pourtant, combien de fois voudrions-nous accélérer le passage de cette saison qui ne nous plaît pas, et faire durer celle où nous nous sentons bien. Cette lutte est évidemment vaine. Elle est en plus épuisante.
Les saisons s'imposent à nous. Et le mieux que nous puissions faire, c'est les laisser tourner, en confiance que la roue tourne.
Alors, quand vous êtes au coeur de votre hiver, appréciez ce repos imposé, et pensez déjà aux bourgeonnements du printemps à venir.
#2 : A trop vouloir tout vous ne pouvez rien
Trop vouloir tout, c'est vouloir tout à la fois, dans une quête de perfection et d'immédiateté - quête sans fin et qui nous laisse toujours sur notre faim.
Je suis une furieuse adepte de cultiver une grande vision, nourrir des rêves fous, oser ses plus belles aspirations... Et en même temps, je sais que cela peut être angoissant, ou frustrant, de se sentir si loin de sa vision, et en ne sachant pas comment y arriver.
Une vision, un rêve, c'est comme une étoile polaire dans notre ciel. Elle nous indique la direction, elle nous permet de garder le cap. Et pour avancer vers ce cap, il est nécessaire de se fixer des objectifs, des étapes concrètes. On a tendance à sous-estimer tout ce que l'on peut réaliser sur plusieurs années (autant que l'on tend aussi à surestimer ce que l'on peut accomplir en une journée ou une semaine !).
Je recommande (et je me l'applique à moi-même !) de poursuivre un seul but à la fois. Un but, c'est une aspiration déclinée en actions. Le chasseur qui poursuit deux lièvres à la fois n'en tuera aucun - et c'est tant mieux ! Alors vous, dans la chasse vers vos ambitions (au sens noble du terme), choisissez bien ce qui est vraiment précieux à vos yeux, et adonnez-vous-y avec toute votre énergie.
Cela ne veut pas dire que vous délaisserez tout le reste. Cela signifie seulement que vous cesserez de vous éparpiller et de nourrir des attentes inatteignables. Si votre appel est le déploiement de votre activité professionnelle vers la prospérité, foncez, avec l'énergie du coeur.... et sans reproches. En conscience. Vous faites un choix : celui de vivre pleinement cette saison, pour ensuite laisser la place à une autre saison.
Oui, vous pouvez tout, tout en conscience.
#3 : Vive la vulnérabilité
Pour réconcilier toutes ces parties en nous qui ont parfois des aspirations opposées et brandissent la sentence de la culpabilité, il y a une arme anti-poison radicale : accepter sa vulnérabilité.
Le mot vulnérabilité trouve son origine dans le verbe latin vulnerare, qui signifie « blesser ». Etre vulnérable, c'est donc être susceptible d’être touché, blessé. C'est donc assumer sa sensibilité, inhérente à notre condition de femmes et d'hommes. C'est accepter aussi que nous traversons nos saisons, et que nous ne sommes pas sur-humains. Nous sommes humains, et c'est déjà bien assez. Tellement assez bien même !
Etre sensible, être vulnérable, c'est se sentir complètement nue face aux vicissitudes de la vie, et face aux autres. Oui, nous sommes toutes et tous dépendants, dans une relation aux autres et aux événements, qui nous touchent à l’improviste sans que nous ayons aucun contrôle.
La vulnérabilité nous arrive, nous la subissons, elle nous surprend. Elle nous montre que nous ne sommes heureusement pas des mécaniques sans sensibilité et sans âme.
Alors, quand on se bat sur tous les fronts, il est bon de se souvenir de notre nature humaine vulnérable - autrement dit sensible. En s'ouvrant à cette partie essentielle en nous, nous nous ouvrons aussi à la possibilité d'être touchés par la grâce de la vie.
Quand la vie tiraille et me tourmente, j'aime me rappeler que...
Le contentement vient du consentement.
Se contenter pas dans le sens de renoncer, mais dans le sens d'être contente, à la fois joyeuse et comblée, en consentant à ce qui est, et en acceptant que tout ne peut pas être en même temps !
Anne-Valérie
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