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L’urgent s'impose, l’important s'ose

Dans ce monde de sollicitations permanentes, de pléthore d’activités et d’orgie d’envies, notre boussole s’affole. Puisque nous avons accès à tout, tout devient possible, faisable, exigible… immédiatement ! Alors, comment ne pas céder à la pression du « tout tout de suite » ? Notre boussole s’affole, et ne sait plus discerner entre l’urgent et l’important.

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La bataille entre l’urgent et l’important

Nos vies sont le terrain de ce conflit permanent entre l’urgent et l’important. Et il semble bien que les armées de l’urgent remportent davantage de batailles. Est-il pourtant juste de leur accorder la victoire, au prix de perdre du terrain sur ce qui, finalement, est essentiel ?

L’urgent, c’est ce dossier à terminer, cette personne à rappeler, cette babiole à acheter, cette serrure à réparer, cette réservation à effectuer, cet email à envoyer… Si on ne cède pas à l’injonction de l’urgent, il y aura un problème, une sanction, un effet rebond – ou tout du moins est-ce notre perception. C’est vrai parfois, mais pas toujours.

Et l’important, c’est cet ami à recontacter, cette balade à s’accorder, cette oeuvre à contempler, ce temps plein de rien… Si on ne permet pas à l’important d’exister, il reste sagement en silence. Il ne se manifeste pas violemment comme l’urgent. Il ne nous menace pas de rétorsion. Pourtant, insidieusement, on se sent peut-être frustré, déçu, privé de liberté, piégé dans une vie dénuée de sens.

On voit bien que l’urgent s’impose, alors que l’important s’ose.

Il faut finalement une certaine forme d’audace pour s’autoriser à laisser de la place à l’important. Dans le tamis de notre vie, l’urgent se faufile toujours, alors que l’important, souvent, reste piégé. Il attend discrètement que l’on lui donne droit d’être.

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Discerner, et décider

La pratique de la pleine conscience est un magnifique laboratoire d’observation de ce conflit entre l’urgent et l’important. Plus que jamais, l’urgent s’agite et veut imposer sa dictature lorsque je m’assois sur mon coussin de méditation. Même si j’ai décrété que méditer, c’est vraiment important, mon esprit peine à se plier à ce décret.

Souvent, à peine assise, la stratégie de l’urgent m’assaille : il faut que je pense à écrire à telle personne, et j’ai failli oublier de rappeler telle autre… comment vais-je m'en souvenir… c’est vraiment urgent… et si je le notais pour être sûre de ne pas l’oublier ?…

Puis vient la deuxième vague d’assaut : mon dos est douloureux, et si je bougeais un peu ? Mon nez me chatouille, et si je me grattais ? J’ai vraiment très soif, et si je prenais juste un verre d’eau ?...

Et c’est sans compter le troisième assaut : mais quelle idée saugrenue de passer tout ce temps à ne rien faire, alors que justement j’ai tant à faire ? A quoi cela sert-il ? Je ferais mieux de me consacrer à tout ce qui m’attend, ce qui est vraiment important.

Qu’est-ce qui m’attend vraiment ?

Quel est ce rendez-vous autre que celui avec moi-même

qui mériterait tant mon attention ?

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L’infiniment important

Et là, si pleinement consciente des entourloupes de mon esprit, je ne cède pas à ses injonctions, j’apprends petit à petit le discernement entre l’urgent et l’important. La méditation n’est pas urgente. Je ne serai pas punie, pas pénalisée, si je ne pratique pas. Mais elle est ô combien importante. Infiniment importante. Et, comme toutes ces choses importantes qui sont souvent sacrifiées sur l’autel de l’urgent, elle est vulnérable.

Ce temps de pratique est un espace vulnérable. Il convient de le protéger, d’en prendre soin, de ne pas le laisser se dissoudre au son des fausses alertes de l’urgence. Et ainsi, en faisant l’expérience de protéger l’important, en prenant conscience de sa vulnérabilité, on apprend à étendre cette expérience au fil de la vie. On devient capable de discerner ce qui est vraiment urgent, de ce qui est faussement déguisé sous le costume de l’urgent. Et on peut alors choisir de répondre en conscience, plutôt que réagir.

Apprendre à dire non sur un coussin de méditation :

non à l’urgent, pour mieux dire oui à l’important.

Anne-Valérie Rocourt

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