Méditer en entreprise : aiguisez votre curiosité
La curiosité n’est pas un vilain défaut. J’ose même prétendre que c’est une magnifique qualité. C’est cette qualité qui nous invite à voir le monde avec un œil frais et neuf, à l’opposé de ce regard blasé que nous portons souvent sur ce qui nous entoure. La curiosité nous incite à explorer notre environnement avec des yeux d’enfants. Et dans l’entreprise, mettre de la curiosité dans nos journées est un geste banal, qui pourtant est porteur d’un grand pouvoir de transformation. Comment donc ?
Et si, avec curiosité, nous explorions cette question ?!...
La curiosité, vilain défaut ?
Les enfants sont naturellement curieux. Ils partent à la découverte du monde avec leurs cinq sens à l’affût. Tout est source d’émerveillement, depuis l’escargot avec sa maison sur son dos, jusqu’à l’avion qui fend le ciel en y laissant une longue trainée blanche. Ces découvertes donnent lieu à de nombreuses questions : « pourquoi ceci… ? », « comment cela… ? ». Leur capacité à s’intéresser à leur environnement est sans limites. Et c’est grâce à cette curiosité qu’ils apprennent et grandissent… jusqu’à ce qu’ils deviennent suffisamment grands pour que cette curiosité s’émousse. Le monde devient alors une collection d’étiquettes : noms, jugements, et perd de son intérêt. On ne le saisit plus avec les sens, mais avec des mots qui catégorisent tout. Et on se terre dans les sillons des habitudes, où la curiosité devient un vilain défaut.
Au travail, la curiosité n’est assurément pas une qualité valorisée, si ce n’est dans certaines fonctions en lien avec la créativité sans doute. On rentre dans le moule, on se conforme au cadre, on renforce les schémas existants. Au début, on pose des questions, on cherche à comprendre, la curiosité est fraîche et vive. On est prompt à comparer ce que l'on découvre avec d’autres systèmes que l’on connaît, à remettre éventuellement en question le statu quo. Puis la nouveauté perd de sa fraîcheur, et de sa saveur. On est en terrain connu. On ne prête même plus attention à ce qui au début nous étonnait. Tout fait partie de notre paysage, un paysage aux lignes et couleurs qui n’ont plus le pouvoir de nous charmer. L’ennui rode pas bien loin…
La curiosité semble bien être un ingrédient essentiel pour ajouter couleur et saveurs à nos journées. Elle nous invite à la découverte, à l’observation, à l’apprentissage. Elle nous met en mouvement. Et il est de notre responsabilité de lui donner vie. Nous disposons de cette ressource, enfouie dans les terres de l'enfance. La déterrer est une décision, une de ces décisions auxquelles nous invite la méditation.
Alors… vilain défaut ou qualité à cultiver ?
La curiosité : pilier de la méditation de pleine conscience
La curiosité est une qualité essentielle dans la pratique de la méditation de pleine conscience. On parle de « l’esprit du débutant » : celui qui observe son expérience avec une curiosité toujours renouvelée. La méditation commence par la simple observation de ce qui est là, instant après instant : les sensations dans le corps, les pensées, les émotions. Et on se rend vite compte que nous avons besoin de saupoudrer un soupçon de curiosité sur notre méditation, pour cultiver une présence attentive, un intérêt bien vivant.
C’est ainsi que l’on est témoin de notre propre expérience, sans s’y trouver piégé. La curiosité nous permet d’observer le manège des pensées qui tournent dans notre esprit, sans être embarqué dans ce manège. La curiosité nous mène à ne pas nous laisser emporter par les vagues des émotions. Et si une expérience aiguise particulièrement notre curiosité, nous pouvons nous en approcher et l'observer de plus près. Qu’est-ce qui est là ? Comment est-ce ? La curiosité se dépose sur ce qui est présent, pour découvrir sans objectif, pas nécessairement pour comprendre. Il s'agit juste de dé-couvrir : soulever la couverture, le voile qui recouvre souvent la réalité nue de l'expérience.
Cette curiosité est dénuée de toute attente : observer sans rien chercher de particulier, explorer avec intérêt. Dès lors que l’on poursuit un but en particulier, on limite le champ des possibilités, et donc l'espace dans lequel la curiosité peut s’égayer. Il y a à la fois de la légèreté dans cette curiosité quasi-enfantine, et de la profondeur, car elle explore comme à traverser un microscope tout ce qui passe dans son champ. C’est une curiosité sérieuse, mais qui ne se prend pas au sérieux !
Ainsi, la méditation repose - entre autres - sur cette curiosité qui nourrit la pratique de l’attention, et en retour cette qualité se trouve cultivée et renforcée.
Vive la curiosité dans l’entreprise !
La curiosité permet un rapport au monde plus ouvert, plus ample, plus créatif. Elle invite à questionner les vieux schémas pour préparer et nourrir l’innovation. C’est aussi la curiosité qui nous aide à établir et entretenir des relations riches et profondes avec les autres. La curiosité est un des ferments de l’empathie, qui nous permet d’entrer en lien avec le champ émotionnel de l’autre. Elle favorise des relations harmonieuses.
Et si vous tentiez de vivre une journée (pour commencer !) sous le signe de la curiosité ? Cela commence par poser l’intention de cultiver cette qualité tout au long de la journée.
Explorez votre environnement professionnel comme si vous le découvriez pour la première fois. Prêtez attention aux détails, aux formes, aux couleurs. Posez des questions, sans attendre aucune réponse en particulier – et sans crainte d’être jugé pour votre naïveté, ou votre audace. Observez les personnes qui vous entourent. Soyez un témoin curieux et attentif de tout ce qui se joue sur la scène de votre vie professionnelle. Ce simple exercice a le pouvoir de redonner de la couleur et de l’intensité à des journées devenues parfois ternes sous le voile des habitudes.
Votre curiosité peut aussi avoir comme terrain de jeu votre propre « expérience corporelle ». Observez, au fil de la journée, comment votre corps réagit, vit. Les sensations corporelles sont autant de messagers qui nous indiquent notre météo intérieure. Votre météo est-elle couverte, avec des crispations physiques ? Ou bien le ciel est-il dégagé, le corps détendu ? Tel un explorateur curieux, partez à la découverte des messages de votre corps. Où sont-ils logés ? Quelle est leur intensité, leur température ? Quel espace occupent ces manifestations ? Quand vous arrivez à votre bureau le matin, que dit votre corps ? Et au fil des rencontres de la journée, qu’exprime-t-il ? Un mail arrive, le téléphone sonne : que se passe-t-il ? Toute réaction physique mérite un peu d’attention.
Il y a tant de mondes intérieurs à découvrir avec la curiosité dans nos bagages…
Ces sensations corporelles ont même peut-être un lien avec des émotions, et des pensées. Votre observateur intérieur peut déployer toute sa curiosité bienveillante pour explorer les paysages imbriqués des pensées et des émotions. Que votre petite voix intérieure vous sussurre-t-elle en cet instant ? Et si vous vous posez honnêtement la question : « comment est-ce que je me sens ? », quelle est la réponse qui émerge ? Cette réponse est-elle cohérente avec ce que vous dit votre corps ? Peut-être prendrez-vous conscience de la dissonance qui apparaît entre les tensions dans votre nuque, et ce « tout va bien » de surface, alors que vous êtes en train de vous noyer dans votre liste de « to do ».
Alors, il est temps de cesser la noyade en marquant une pause salvatrice dans la tempête : respirer, reprendre contact avec la vie qui palpite en vous, réhabiter votre corps, revenir au port. La curiosité peut vous sauver.
Anne-Valérie Rocourt
Méditer & Agir
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